Cacao by Jorge Amado

Author:Jorge Amado
Language: eng
Format: mobi
Tags: French, Fiction
Publisher: Stock
Published: 2010-12-05T05:00:00+00:00

JAQUE

Jaque ! Jaque ! Les gamins grimpaient aux arbres comme des singes. Le fruit tombait — boum ―et eux se jetaient dessus. En peu de temps, il ne restait plus que l’écorce et les déchets, que les porcs dévoraient gloutonnement.

Les pieds écartés semblaient des pieds d’adultes, le ventre était énorme, gonflé par les jaques et la terre qu’ils mangeaient. Le visage jaune, d’une pâleur terreuse, accusait l’héritage de maladies terribles. Pauvres enfants blafards, qui couraient au milieu de l’or des cacaoyers, en haillons, les yeux éteints, à demi idiots. La plupart d’entre eux travaillaient à la mise en tas dès l’âge de cinq ans. Ils restaient ainsi, petits et rachitiques, jusqu’à dix ou douze ans. Puis soudain apparaissaient des hommes trapus et bronzés. Ils cessaient de manger de la terre, mais continuaient à manger des jaques.

École, mot sans signification pour eux. À quoi sert l’école ? Cela n’avance à rien. On n’y enseigne pas à travailler sur les plantations ni aux barcasses. Certains, en grandissant, apprenaient à lire. Ils comptaient sur leurs doigts.

Ils fumaient de grosses cigarettes de tabac haché et buvaient de grandes gorgées de tafia dès la plus tendre enfance. Ils apprenaient à craindre le Colonel et le contremaître et assimilaient ce mélange de haine et d’amour que leurs parents portaient au cacao. Ils se roulaient dans la boue avec les porcs et demandaient la bénédiction à tout le monde. Ils avaient une vague idée de Dieu, un être un peu comme le Colonel, qui récompensait les riches et punissait les pauvres. Ils grandissaient pleins de superstitions et de plaies. Sans religion, ils sentaient un ennemi dans le prêtre, et le haïssaient tout naturellement, comme ils haïssaient les serpents venimeux et les enfants des propriétaires.

Marmaille aux noms simples Jean, Joseph, Marie, Pierre, Marie de Lourdes, Paul, qui n’eurent jamais de jouets ni de poupées.

Certains portaient d’étranges noms de héros de romans aristocratiques : Louis-Charles, Tite-Live, César, Auguste, Georges, Aida, Gilca. Je m’aperçus par la suite que tous ceux-là étaient des filleuls de Maria, la fille du Colonel.

Les baptêmes avaient lieu d’année en année, pour Noël. Le Colonel et sa famille invitaient un prêtre à venir célébrer la messe sur le domaine. Des familles d’Ilhéus, d’Itabuna et de Pirangi emplissaient la maison de maître. On sacrifiait des porcs, des poules, des dindes et des moutons, et ils dansaient, le soir, au son d’un phonographe. Huit jours de fêtes pour ces gens de la ville, qui évitaient de nous toucher par crainte de se salir, et nous faisaient parler de loin, pour s’amuser des sottises que nous disions.

Avec le jour de Noël, venait la grande fête. Les ouvriers des points les plus distants, des familles entières de fermiers venaient à pied faire baptiser leurs enfants. Les hommes portaient leurs chaussures sur l’épaule et retroussaient le bas de leurs pantalons de fête. Ils allaient jusqu’à la maison de maître saluer le Colonel et sa famille. Les hôtes avaient de petits rires sarcastiques à voir les femmes entrer les yeux baissés, intimidées,

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